Cette guitare monochromatique m’a été inspirée par les guitares que j’observais dans ma jeunesse sur le seul livre documentaire -une bible- qui existait à l’époque et que j’ai eu la chance de posséder: “Le grand livre de la guitare” de Tom et Mary Evans.
Ce livre fondateur était illustré de centaines de photos de guitares mais toutes en noir et blanc, qui ne me laissaient pas d’autre choix que de faire appel à mon imagination pour les coloriser. De plus certaines d’entre elles devaient mesurer 3 cm de haut et l’impression était si peu précise qu’aucun vernis ne semblait les recouvrir.
De ces observations, notamment au chapitre guitares jazz américaines, j’ai imaginé cette guitare, et je l’ai réalisée presque 40 ans plus tard. Aucune idée pourquoi j’ai attendu aussi longtemps. Peut-être parce que je n’y pensais plus, peut-être parce qu’elle n’était pas finalisée dans mon esprit et peut-être que d’un point de vue technique, je n’avais pas la maturité nécessaire pour arriver à un tel degré de sobriété.
… Comme entre temps j’ai appris pas mal de choses, genre fabriquer mes micros type P90 ou encore les patiner et patiner les pieces détachées d’une manière crédible, il se trouve qu’elle ne pouvait donc pas être prête avant.
Et puis il y a tout le reste, la fabrication des voûtes plaquées, les vernis satinées, la patine des acajous, ces petites incrustations tellement art-déco, le nouveau logo, les autres idées, je pense que plus tôt aurait été trop tôt.
Au final, je réalise que plus c’est simple, plus c’est sobre, plus c’est discret, plus c’est long et difficile à obtenir surtout lorsque cette pseudo-simplicité recèle des trésors de technicité. Alors voilà donc une nouvelle petite guitare, pas clinquante, pas blingbling qui pourrait s’appeler “Eloge de l’ombre” en référence à un livre de l’écrivain japonais Tanizaki dans lequel l’auteur défend une esthétique de la pénombre, du secret, de la réserve, du mystère en opposition au clinquant ostentatoire de l’esthétique occidentale. Je ne l’ai pas équipée de potentiomètres de volume ou de tonalité, elle n’est présentée qu’avec un seul micro, mais nous discuterons avec son futur propriétaire des options possibles et des choix qu’il fera quant à ses équipements et les sonorités qu’il désire obtenir.
A propos de sonorités : je réalise que tout à ma contemplation, j’ai omis de parler de ce point essentiel: Les voûtes de table et de fond de ma fabrication reprennent les épaisseurs des premières guitares de ce genre fabriquées dans les années 60, et notamment celles des premières guitares Gretsch®. Ces guitares avaient toutes une table et un fond très fins et de ce fait produisaient un volume acoustique nettement plus important que les guitares actuelles. L’utilisation de l’acajou, si elle n’est pas commune sur ce genre d’instruments, renforce le côté acoustique de celui-ci et toute personne qui l’essaye est de prime abord surprise par sa puissance acoustique, son sustain et son expressivité. Ces qualités se retrouvent une fois branchée et nul doute qu’un bon guitariste saura trouver ses qualités et les adapter aux besoins de son jeu. D’autres modulations seront possible alors en fonction des choix de micros et des contrôles installés. Pour rappel, les lettres des modèles “ES” de chez Gibson signifiaient “Electric Spanish” , indiquant par là le mariage sonore de ces séries à une époque ou les micros piezzo électro-acoustiques n’existaient pas.
Mais mieux que des mots, un passage à l’atelier vous donnera une idée plus précise des qualités de cette guitare unique et hors du commun.
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